L’art de la guerre dans Dune

L’univers du roman Dune de Frank Herbert est d’une grande richesse, mélangeant dans un ensemble baroque, mais très cohérent des éléments de sociétés humaines passées et des éléments de pure imagination. La guerre s’y exerce de manière particulière, mais elle reste la guerre avec sa grammaire propre.

L’univers du roman Dune de Frank Herbert est d’une grande richesse, mélangeant dans un ensemble baroque, mais très cohérent des éléments de sociétés humaines passées et des éléments de pure imagination. La guerre s’y exerce de manière particulière, mais elle reste la guerre avec sa grammaire propre.

Comment détruire une Grande Maison

Le système politique de Dune en 10 191 AG (après la Guilde) est issu d’une grande convention qui régit les rapports entre la Maison impériale, les grands féodaux réunis dans l’assemblée du Landsraad et la Guilde des navigateurs qui dispose du monopole du vol spatial. S’y ajoutent d’autres acteurs à peine évoqués dans le premier livre, comme le Combinat des honnêtes ober marchands (CHOM) qui gère en commun les échanges économiques interplanétaires, le Bene Tleilax maître de la génétique ou les planètes industrielles Ix et Richèse. Il y a surtout l’ordre politico-mystique féminin du Bene Gesserit. Dans cet ensemble complexe, seules les Maisons féodales disposent du monopole de l’emploi de la force afin de régler leurs différends. Les autres acteurs n’en ont pas besoin pour assurer leur protection et leurs desseins politiques. S’il faut faire une analogie, l’univers de Dune est assez proche du système de relations des grands États européens du moyen-âge central ou du Japon des époques Kamakura-Morumashi, le CHOM faisant grossièrement office de pouvoir économique bourgeois et le Bene Gesserit d’Église catholique ou d’école bouddhiste. 

La guerre, entre Maisons donc, est régulée par plusieurs facteurs politiques, culturels et matériels. Le premier est la fragmentation des pouvoirs et le souci de maintenir un équilibre entre eux. Si l’Empereur dispose d’un prestige et d’une autorité certaine, personne ne souhaite le voir devenir hégémonique, comme d’ailleurs sans doute n’importe quel autre acteur. C’est pourtant apparemment le projet de Shaddam IV qui trouve devant lui le duc Léto Atréides, champion et modèle de la noblesse conservatrice. Abattre les Atréides permettrait de changer significativement le rapport de forces en sa faveur et d’imposer plus facilement un pouvoir absolu. Une attaque directe trop puissante de l’Empereur contre une Maison susciterait cependant une forte réaction de l’ensemble de la noblesse. Aussi l’Empereur envisage-t-il une opération par procuration en faisant appel aux Harkonnens. Les Harkonnens constituent la famille impure de l’univers de Dune, considérée par tous comme de lâches et brutaux parvenus anoblis par l’argent et non le mérite. Leur monde, Giedi Prime, est une version nazie de la Stahlstadt des Cinq Cents Millions de la Bégum de Jules Verne et une préfiguration de l’Apokolips dans l’œuvre dessinée de Jack Kirby publiée quelques années seulement après Dune. Les Harkonnens sont cependant riches, surtout après reçu le droit de récolter l’épice d’Arrakis pendant 80 ans, sans aucun respect des conventions féodales, et surtout ils détestent les Atréides, leur parfait inverse.

Ce sont donc des alliés idéaux pour l’Empereur. Retenons ce point : l’Empereur veut détruire les équilibres féodaux immémoriaux et progresser vers un régime absolutiste en s’appuyant sur la haine d’une Maison contre une autre, à la manière des Armagnacs et des Bourguignons au début du XVe siècle en France. Un pouvoir absolu va effectivement survenir par la faute de Shaddam IV mais pas du tout celui qui était prévu.

Derrière les freins politiques et culturels, il y a de nombreux facteurs matériels qui compliquent les choses. Si Dune est l’Europe médiévale, il faut imaginer les fiefs séparés par des mers que contrôlerait une compagnie maritime unique et neutre. Par simplification, les fiefs ou les sièges des sociétés diverses sont des planètes entières qui pour communiquer entre elles et donc se combattre sont obligées de passer par la Guilde des navigateurs. Pas de batailles spatiales donc dans Dune mais des raids chez les planètes ennemies, et beaucoup plus rarement des grandes batailles rangées. Là, encore on est largement sur un art de la guerre très médiéval.

Premier problème : c’est très coûteux. Les puissances de Dune sont comme celles de l’Europe médiévale toujours à la recherche de financements ou de remboursements pour leurs campagnes militaires. Le second problème, lié au premier, est comme pendant la guerre de Cent Ans, que l’on ne peut projeter via la Guilde que des armées réduites, quelques centaines de milliers de combattants au maximum, alors que l’on parle de guerres entre mondes entiers. Toutes les Maisons connaissant sensiblement les mêmes problèmes de financement, les forces en présence sont plutôt équilibrées. Les troupes qui débarquent doivent également faire face aux grands champs de force Holtzman, que l’on peut comparer aux murailles des châteaux forts, qui protègent les villes et les grandes bases. La défense l’emporte dès lors nettement sur l’attaque. On peut imaginer de grandes opérations de siège, mais qui dit siège dit longue durée avec toutes les conséquences logistiques que cela peut impliquer et puis il y a les atomiques.

Le dernier facteur est en effet qu’il faut imaginer toutes ces Grandes Maisons médiévales dotées d’armes nucléaires. L’emploi de celles-ci est prohibé par la Convention, mais, contrairement aux machines pensantes, pas leur possession. Les Grandes Maisons disposent donc depuis des millénaires d’un stock d’« atomiques » mystérieusement entretenu. Il y a un grand tabou sur l’emploi en premier de ce type d’armes et la famille qui s’y risquerait provoquerait sa mise au ban par toutes les autres. Aussi l’emploi des atomiques n’est-il réellement envisageable qu’en second ou, plus probablement, comme ultima ratio avant la possibilité d’une destruction totale, les fameux « intérêts vitaux » proclamés sans plus de précision par la doctrine française. Point particulier, dans Dune frapper une planète ennemie ne peut se faire en quelques minutes comme actuellement entre les puissances nucléaires à l’aide de missiles balistiques. Encore une fois, il faut en passer par un transport spatial et donc la complicité peu évidente de la Guilde, sauf si elle-même se trouve en danger mortel. Il faudra donc probablement les employer sur son propre sol et les seuls objectifs ne peuvent être que les forces ennemies. Notons que si ces forces d’invasion n’ont pas amené d’armes atomiques avec elles, elles ne pourront pas riposter de cette façon.

La guerre est donc à la fois probable entre toutes ces puissances à l’éthos très guerrier mais également difficile à organiser. Bien souvent, il s’agira plus de confrontation, ou de « guerre des assassins », utilisant tous les moyens de pression — sabotages économiques, corruption, pression diplomatique, raids sur les stocks d’épice, assassinats, etc. — que de guerre ouverte et de grandes batailles. Et si cette guerre ouverte survient, elle n’aura probablement pas le temps de s’achever par la destruction de l’adversaire, du fait des rétroactions des environnements stratégiques à plusieurs puissances rivales. Une famille qui engage toutes ses forces pour en vaincre une autre se trouve à la limite de la banqueroute et surtout se rend elle-même vulnérable à une attaque tierce.

La seule solution est donc de foudroyer l’adversaire par une attaque suffisamment rapide et massive pour obtenir un résultat décisif avant que des décisions contraires, l’emploi d’armes atomiques ou l’intervention d’autres acteurs, puissent survenir. C’était le scénario d’engagement dans la « marge d’erreur » de la dissuasion que décrivait le général britannique Hackett en 1979 dans La troisième guerre mondiale en imaginant l’invasion de la République fédérale allemande par les Soviétiques en deux jours. C’est évidemment le choix qui est fait par le baron Vladimir Harkonnens et l’Empereur Shaddam IV. L’attaque sera menée par les Harkonnens mais appuyée par des légions de Sardaukars, les soldats d’élite de l’Empereur camouflés pour l’occasion en Harkonnens, afin d’obtenir un rapport de forces écrasant. Elle sera grandement facilitée par l’action d’une « cinquième colonne » à l’intérieur du camp ennemie qui en sapera les défenses. Un cheval de Troie, mais cette fois opposé aux Atréides, descendants du roi Agamemnon vainqueur de Troie.

L’offensive pourrait se dérouler sur Caladan, le fief-planète des Atréides, mais l’Empereur préfère déplacer les Atréides sur la planète Arrakis qui leur est confiée en fief à la suite des Harkonnens. Les déracinés y seront croît-on plus faibles et les Harkonnens auront eu le temps préparer le terrain. Une stratégie à court terme qui va s’avérer désastreuse à long terme. Arrakis est une planète très particulière, qui recèle en son sol, le produit, l’épice, indispensable au fonctionnement de toute la civilisation ne serait-ce qu’en autorisant seule le voyage spatial, mais aussi la plus puissante armée de l’univers connu : les Fremen. L’alliance envisagée des Atréides avec les Fremen rend l’attaque d’autant plus urgente. Tout pousserait à ce qu’Arrakis soit maintenue dans la plus grande stabilité au profit de tous, les plans de Shaddam IV et de Vladimir Harkonnens vont y introduire un cocktail explosif d’autant plus dangereux que la politique du Bene Gesserit a aussi fait en sorte d’y introduire, plus ou moins volontairement, un individu détonateur.

Achille et Holtzman

Au niveau tactique, il y a des engins de tout type dans Dune comme les ornithoptère à ailes battantes, mais peu de machines de combat, la faute en grande partie à l’existence des boucliers de champs de force Holtzman invulnérables à tous les projectiles sauf les plus lents. Inutile donc de leur envoyer des balles ou des obus, même si ou pourrait imaginer que le souffle des explosions puisse avoir quelques effets. Il est possible d’y utiliser des armes à faisceaux laser, une arme d’avenir évidente à l’époque où écrit Herbert. Le problème est que la rencontre entre un faisceau laser et un bouclier produit des effets indésirables pour le tireur, pouvant aller jusqu’à une petite explosion atomique d’une kilotonne. Cela pourrait donner naissance à des tactiques suicide, un combattant forcé à la manière Harkonnen ou un volontaire venant tirer au laser contre les grands boucliers protecteurs jusqu’à l’explosion, mais cela paraît très aléatoire. Les lasers sont donc peu utilisés, leur emploi très surveillé et les véhicules servent surtout au transport d’une troupe qui est presque entièrement composée de fantassins.

Les champs de force Holtzman, apparemment peu coûteux et faciles d’emploi, sont très courants. Leur principale faiblesse est de pouvoir être percés par des armes blanches utilisées avec lenteur ou éventuellement des objets particuliers comme les chercheurs-tueurs ou les projectiles à faible vitesse des pistolets maula. La haute technologie impose donc paradoxalement de revenir à des formes ancestrales d’affrontement. Herbert exclut les tactiques collectives de type phalange, qui devraient pourtant être possibles, au profit d’un combat purement homérique fait d’une collection d’affrontements individuels ou en petites équipes. Le combat dans Dune oblige à l’excellence individuelle obtenue par un mélange de courage et de maîtrise de l’escrime. L’acquisition de cette excellence demande du temps et impose une professionnalisation de fait ainsi que la constitution d’une aristocratie guerrière. Cette aristocratie développe ensuite une culture spécifique qui lui assure le monopole de la violence, ce qui explique peut-être en retour le refus de toute tactique de masse, mais la rend également vulnérable à l’apparition de cette même masse sur le champ de bataille. Les civils-amateurs sont exclus culturellement d’un champ de bataille où ils n’ont aucune chance de survie, mais aussi largement des guerres elles-mêmes.

Dans l’Illiade, il y a les héros, qui ont un nom, et les guerriers anonymes qui servent de faire valoir aux premiers. Dans l’esprit de l’époque où Frank Herbert écrit, ces héros sont en fait des surhommes ayant pu accéder à des capacités supérieures à la normale grâce à un entrainement intensif dans des écoles spécialisées, mentats, sœurs du Bene Gesserit, école d’escrime du Ginaz, ou simplement l’éducation dans une famille noble. Cet entrainement exigeant est soutenu par des substances stimulantes comme l’épice, le jus de Sapho ou l’Eau de Vie, qui permettant d’accéder à des perceptions extra-sensorielles, sans l’usage de machines. Une Grande Maison dispose de nobles très éduqués et formés, d’un mentat, « ordinateur humain » remplaçant tout un état-major, et de champions-escrimeurs comme Duncan Idaho, Gurney Halleck ou Hasimir Fenring. Face à des duellistes de très haut niveau les soldats ordinaires, comme ceux des Harkonnens, ne sont que des chairs à épée. Duncan Idaho peut ainsi se vanter d’en avoir tué plus de 300 pour le compte du Duc Léto.

Ces héros sont cependant rares et s’ils sont flamboyants ils ne font guère la différence au sein de batailles qui sont des agrégations de milliers de microcombats. Pour faire la différence dans les batailles, Frank Herbert introduit donc une catégorie intermédiaire qui associe le nombre et la qualité : les combattants d’élite, comme les Sardaukars, les Fremen et les Atréides. Les Fremen ont les plus rudes, les Atréides sont d’excellents techniciens et les Sardaukars associent les deux caractéristiques dans des proportions moindres. Chacun de ces hommes est capable de vaincre plusieurs soldats ordinaires du Landsraad et leur présence décide du sort des batailles. C’est tout l’intérêt de la présence des Sardaukars dans la force d’attaque déployée par Vladimir Harkonnen contre les Atréides, avec cette crainte toutefois que ces quelques brigades puissent être utilisées par l’Empereur contre le baron. L’intérêt de ces combattants d’élite, évident au niveau tactique, est encore plus flagrant au niveau opératif lorsqu’on considère le coût de projection interplanétaire d’un seul homme.

Au passage, Frank Herbert insiste beaucoup sur l’importance des milieux extrêmes comme le désert d’Arrakis ou l’oppression de la planète prison Salusa Secundus, pour développer des qualités guerrières. Il pense certainement aux bédouins arabes du VIIe siècle ou de la révolte arabe de 1916 contre les Ottomans (le film Lawrence d’Arabie est sorti trois ans avant Dune) qui constituent son modèle pour les Fremen. Cette théorie, qu’il reprend dans Dosadi, est très discutable, les milieux physiques extrêmes sécrétant surtout des sociétés adaptées… à leur milieu, mais souvent figées, voire piégées. Les Inuits ou les Indiens d’Amazonie n’ont par exemple jamais constitué d’armées de conquérants. En creux, cette théorie suppose aussi que les sociétés riches et agréables sont amollissantes et que leurs armées sont faibles. L’Histoire montre que les choses sont nettement plus complexes. La création d’une force militaire est d’abord un phénomène social. Les Atréides échappent à cette théorie sans que l’on sache trop comment leur excellence de masse a été atteinte.

Les Fremen constituent un cas particulier dans l’univers militaire de Dune puisqu’ils sont à la fois parfaitement adaptés à leur milieu, très durs au combat et nombreux. Ils introduisent ainsi la masse à une échelle inconnue dans l’équation. L’attaque Harkonnen, considérée comme considérable, a mobilisé 10 légions soit quelques centaines de milliers d’hommes, là où le mentat Thufir Hawat s’attendait à un raid d’au maximum quelques dizaines de milliers, ce qui semblait constituer la norme des batailles. Tous ces chiffres paraissent par ailleurs assez faibles dès lors qu’il s’agit de contrôler une planète entière, mais il est vrai que les populations ne semblent pas considérables non plus. Avec une population de culture guerrière de dix millions de Fremen, on passe à un potentiel de deux à trois millions de combattants adultes. Cela change évidemment la donne comme l’arrivée des piquiers suisses dans la deuxième moitié du XVe siècle ou la levée en masse révolutionnaire de 1792 ont changé le visage de la guerre menée jusque-là en Europe avec de petites armées professionnelles. On peut penser aussi aux contingents professionnels occidentaux face aux 10 millions de Pashtounes en âge de porter les armes en Afghanistan ou au Pakistan. L’attitude et l’allégeance des Fremen constituent donc une donnée essentielle de la géopolitique de l’Empire.

COIN sur Arrakis

L’offensive Harkonnens-Sardaukars est un modèle d’offensive éclair. Tout lui réussit, avec il faut bien le dire un peu de chance. La double action décisive du docteur Yueh, la levée du bouclier défensif et la neutralisation du duc Léto, facilitent évidemment considérablement les choses alors que sa réussite n’était pas si évidente. Si Yueh avait échoué, l’opération aurait sans doute réussi au regard du rapport de forces mais aurait connu des évolutions plus compliquées. Cet « effet majeur » atteint, le destin de l’attaque qui bénéficie d’une énorme supériorité numérique et de la surprise ne fait plus aucun doute. Les Atréides sont submergés. Pour autant, il y a comme dans tous les plans complexes quelques grains de sable : Dame Jessica et Paul Atréides parviennent à s’enfuir dans le désert à la suite d’une erreur grossière de Vladimir Harkonnen. Ils retrouveront ensuite les quelques Atréides qui auront survécu, comme Gurney Halleck, mais aussi, atout essentiel et raté incroyable des Harkonnens, les atomiques de famille. Ce n’est pas tout.

Hormis les cas, très rares, d’extermination de l’ennemi, une victoire militaire ne devient victoire politique que s’il y a acceptation de la défaite par celui qui a perdu le duel des armes. Dans le schéma trinitaire clausewitzien, c’est le pouvoir politique qui constate la défaite et accepte la paix, le peuple ne pouvant que suivre les décisions de son gouvernement. Si l’action militaire ne se contente pas de vaincre l’armée adverse, mais a également pour effet de détruire le pouvoir politique, on se prive d’un interlocuteur et on prend le risque d’en voir apparaître un ou plusieurs autres qui vont continuer la guerre d’une autre manière. Les Américains ne sont pas les Harkonnens (mais la Maison impériale peut-être) et Paul Muad’Dib n’est ni Oussama Ben Laden, le mollah Omar ou Saddam Hussein, mais la situation sur Arrakis en 10 191 après la prise d’Arrakeen présente quelques similitudes avec celle de l’Afghanistan en 2001 et surtout de l’Irak en 2003, mais un Irak qui serait le seul producteur au monde de pétrole.

La guerre ne se termine pas en effet avec la mort du duc Léto, elle se transforme simplement. Les survivants Atréides se joignent à la guérilla endémique des Fremen contre les Harkonnens, qu’ils détestent, pour constituer une forme très efficace de « combat couplé » entre une puissance extérieure et des combattants locaux. Les Fremen apportent le nombre, leurs qualités de combattants et leur parfaite adaptation au milieu désertique ; les Atréides apportent les atomiques de famille, une « assistance militaire technique » pour la formation tactique et surtout un leader charismatique fruit des manipulations du Bene Gesserit, mélange de Lawrence d’Arabie, de Prophète Mahomet et de Mahdi soudanais. Ce n’est plus une réaction d’anticorps à une présence étrangère hostile, mais un véritable jihad.

Face à cette opposition qui se développe progressivement, se pose systématiquement le problème du diagnostic initial avec presque toujours la tentation de le minimiser et de le modeler en fonction de ses besoins. Pour le gouvernement français de 1954, les attentats de la Toussaint rouge en Algérie sont le fait de bandits et pour le commandement américain de 2003, les attaques de guérilla qui apparaissent dans le triangle sunnite irakien en mai-juin sont les derniers feux du régime déchu et de son leader en fuite. Cette appréciation initiale conditionne une réponse dont il est difficile par la suite de s’affranchir. S’écartant de la politique traditionnelle de pure exploitation économique de la planète Arrakis, et peu gênés par des considérations humanitaires qui n’existent, au mieux, que dans le cadre des signataires de la Grande Convention, les Harkonnens et les Impériaux qui reprennent le contrôle d’Arrakis voient les Fremen comme une nuisance dont ils sous-estiment par ailleurs l’importance et qu’il faut éliminer par l’extermination.

Tactiquement, on se trouve là encore dans le cas classique d’une force de technologie supérieure face à une guérilla protégée par son adaptation à un milieu particulier et protecteur (jungle, montagne, population locale des rizières ou des cités de l’Euphrate en Irak). Ce milieu est d’autant plus favorable que l’emploi des boucliers Holtzman y est très délicat car ils ont la particularité d’énerver les vers des sables, ce qui n’est jamais une bonne idée. Les Fremen pratiquent donc une escrime normale, là où leurs adversaires sont habitués à une escrime de champ de force très différente. Ils sont par ailleurs beaucoup plus nombreux que leurs adversaires, à l’inverse de tous les abaques de contre-guérilla. L’armée de Rabban la bête même aidée des Sardaukars n’a tout simplement pas les effectifs suffisants pour faire face à une guérilla d’un tel volume, d’autant plus que grâce à la maîtrise du « transport par vers » la mobilité opérative des Fremen est équivalente à celle de leurs ennemis et de leurs ornithoptères.

La tentation est alors forte pour les Harkonnens de limiter les risques en utilisant la maîtrise de l’air pour traquer l’ennemi à l’aide de machines volantes transformées en bombardiers en essayant si possible de décapiter l’ennemi par la mort de Paul Muad’Dib. Les Fremen y répondent par les méthodes classiques de dissimulation à une force aérienne, association au milieu, dispersion, enterrement, etc. À cette stratégie d’attrition des Harkonnens, par ailleurs peu efficace, ne serait-ce que par le manque de moyens, les Fremen coordonnés par Paul Atréides, transformé en surhomme prescient – le Kwisatz Haderach – par l’absorption de l’ Eau de Vie, répondent par une stratégie de pression économique en empêchant l’ennemi d’exploiter l’épice. Les moissonneuses d’épices sont semble-t-il plus faciles à trouver et détruire que les nombreux sietchs Fremen. Les Sardaukars quittent finalement le front sur décision de l’Empereur, mais les Harkonnens ne changent pas de stratégie. Ils n’envisagent pas une seule seconde de négocier, ni même de faire l’effort de former des combattants adaptés au désert. Rabban la bête n’est clairement pas un fin stratège et il n’a même pas de mentat à ses côtés. Celui du baron, Thufir Hawat retourné contre son gré après la mort de Piter de Vries, n’influence en rien les évènements. Il est très probable que selon un schéma classique dans les dictatures, la réalité de la situation sur le terrain reste masquée au sommet de l’organisation jusqu’à la catastrophe.

Au bout de cinq ans, la stratégie de Paul Atréides permet de contrôler la majeure partie de la planète et de provoquer une accélération des évènements. La menace enfin évidente sur la production d’épice provoque la formation d’une coalition de toutes les Maisons et d’une expédition sur le sol même d’Arrakis menée par l’Empereur en personne. On atteint ainsi le stade final de la guerre populaire telle que la décrivait Mao Tsé-Toung après la mobilisation et la guérilla. La bataille finale contre l’Empereur est l’équivalent en 10 196 AG de celle de Diên Biên Phu en 1954. 

Le problème tactique majeur qui se pose à nouveau est celui de l’élimination du bouclier de défense de l’Empereur. Le mode d’action utilisé est une grande tempête de sable dont on sait que l’électricité statique va saturer le champ de force. Il faut pour cela détruire auparavant les montagnes qui empêchent son passage et c’est là que les atomiques interviennent. Le tabou atomique est donc brisé, il est vrai de manière indirecte par un emploi sur un obstacle naturel, pour permettre la pénétration dans le camp adverse. Avec la supériorité numérique des Fremen et l’emploi surprise des vers des sables, la suite du combat ne fait plus alors aucun doute. Étrangement le combat se termine par un duel entre Paul Atréides et Feyd-Rautha Harkonnen, héritage des pratiques féodales, risque considérable tant la personne de Muad’Dib est importante, qui ne se justifie pas stratégiquement. Il aurait suffi que le comte Fenring, peut-être le meilleur escrimeur de l’Empire, accepte de combattre à la place de Feyd-Rautha pour changer le cours de l’Histoire, mais Fenrig refuse, ce qui en fait d’un seul coup un personnage très intrigant.

Paul Atréides/Muad’Dib l’emporte donc. La Guilde est obligée de lui obéir, car il dispose désormais du monopole de l’épice, un peu comme si Lawrence d’Arabie avait pris le contrôle de toute la production mondiale du pétrole. La Guilde n’est plus neutre et réserve ses long-courriers aux Fremen. Les Maisons sont donc isolées et obligées d’attendre les assauts des légions de Fremen qui peuvent les attaquer en masse et les soumettre, sans que l’on sache trop pourquoi les armes atomiques ne sont pas utilisées. Le jihad se répand dans l’univers connu et impose le pouvoir absolu du Mahdi.  Le jeu dangereux de l’Empereur a entraîné la fin d’une ère stratégique cohérente et le début d’une nouvelle époque.

29 réflexions sur “L’art de la guerre dans Dune

  1. J’ai lu avec un grand plaisir cet article passionnant et maîtrisé.
    Une seule remarque, l’usage inapproprié du terme « intergalactique » au lieu d' »interstellaire », les étoiles occupées dans l’univers de Dune se situant dans une sphère de moins de 710 années-lumière de rayon.

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  2. jsp dit :

    L’entrée du billet étant dans la catégorie culturelle, je mets ici un lien sur un article relatant un documentaire sur une jeune yazidie irakienne kidnappée, et fait par elle, ainsi que sur ses petits frères. Ils sont restés plusieurs années captifs, l’adolescente vendue comme esclave sexuelle. Le plus jeune avait été vendu tout petit à une famille sans enfant et lorsqu’il est récupéré 5 ans plus tard pour être réuni avec sa fratrie, il pleure et voudrait rester avec la famille qui l’a acheté.
    https://www.theguardian.com/global-development/2024/mar/12/mediha-film-yazidi-islamic-state-survivor-story-premieres-uk

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  3. captainluck dit :

    Addition :
    Le volet islamique de la saga de Frank Herbert est exploré par un chercheur américain, Ali Karjoo-Ravary (*https://www.alikarjooravary.com/cv)

    Dans Slate, il partage une perception arabisante assumée par l’auteur du cycle d’Arrakeen et certains défauts du film.
    Je pense que ça complète bien le post technique du colonel :

    https://www.slate.fr/story/218496/film-villeneuve-dune-infidele-esprit-anticolonialiste-roman-frank-herbert

    (signalé RA)

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  4. etienne6904 dit :

    Votre analyse militaire est complètement en phase avec le roman que l’on peut voir avant tout comme la chronique d’un monde en guerre.
    Mais pour moi et selon le souvenir qui m’en est resté de l’époque lointaine où je l’ai lu, les fremen, que vous appelez « plus grande armée du monde » sont avant tout un peuple qui vit dans des conditions extrêmes et dont le mythe, menés par un prophète, est l’eau abondante en surface qui si ma mémoire est bonne sonnerait la fin des « faiseurs », les vers et donc de l’êpice et donc de la guilde. La fin quoi 🙂
    Bref un grand roman foisonnant !

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    1. Isaty dit :

      Vivant avec un passionné d’astrophysique et d’astronomie (pas du tout mon secteur), j’adore l’écouter me raconter cette magie qu’il dévoile en expliquant comment on le sait, ce qu’on peut percevoir ou détecter… un monde intensément magique pour moi à chaque fois et qui me saisit : nous sommes bien infiniment petits.

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      1. « nous sommes bien infiniment petits. »
        Plus petits encore qu’on ne peut l’imaginer physiquement.

        A mon souvenir, la place du système solaire dans l’Univers se compare à celle d’un grain de sable par rapport à l’ensemble des plages de notre Terre.

        En astrophysique, les chiffres sont vraiment « astronomiques ». De même qu’en physique des particules, ce n’est pas appréhendable par notre expérience humaine. L’Homme n’est pas à la mesure de toute chose.

        Face au résultat d’un long calcul, notre professeur de Sciences Physiques en Math Sup nous challengeait d’un « Est-ce beaucoup ou pas beaucoup ? ». Pour y répondre, il fallait trouver une bonne référence de comparaison, une démarche des plus judicieuses. Excellente pratique applicable dans bien d’autres domaines, dont la macro-économie.

        Fabrice

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  5. furax3448 dit :

    pour ma part , sur ce blog , je prefére rester dans la vraie vie …
    c’est à dire , celle avec laquelle , tout un chacun est en nécessité de « composer ».
    En ce qui concerne « Dune » , c’était un livre , désormais un très bon film , mais cela n’ a aucune proximité avec la guerre en Ukraine , la bande de gaza , parce que ce n’est qu’une fiction .

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    1. Isaty dit :

      @Furax : je m’insurge contre vos propos.
      L’imaginaire est composé de la vraie vie et de l’histoire, histoire humaine et histoire des espèces, il en est issu.
      Cette manière d’analyser justement les ressemblances, pour mieux les comprendre aussi, est un décryptage.
      Prenez Shakespeare, Molière : ce n’est pas la « vraie vie » puisque c’est du théâtre, mais ô combien l’humaine condition est explorée dans ses désirs, ses dérives, sa grandeur et sa petitesse.

      Toute analyse, même la simple analyse d’une fourmilière dans la nature, est empreinte de notre vie, de nos repères. Façon de voir par rapport à nous.
      Sinon, l’art ne nous toucherait pas et ne nous ferait pas bouger !

      L’imaginaire, chaque petit d’homme l’utilise pour jouer, pour apprendre à vivre en fait.
      Vous omettez que nos émotions nous font vivre et évoluer, que ces émotions qu’elles soient issues des contes et légendes aux enfants, ou tout ce que nous regardons et rencontrons, un ciel embrasé ou une triste pluie, nos émotions disais-je, nous parlent et sont un moteur pour nous.

      Donc, non l’imaginaire s’il n’est pas la vraie vie, certes, possède cette vraie proximité pour nous apprendre à décortiquer, à « comment faire face à ». L’imaginaire (et l’ennui qui le promulgue bien souvent), outre sa fonction d’apprentissage, est aussi la source de toute invention qui nous a permis d’évoluer.

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  6. Bonjour, c’est la magie de la littérature, nous offrire des univers palpitant qui sous la plume des écrivains qui on un contrôlent total des événements se détachent des contraintes physiques voir même de la logique mais nous offre ainsi des batailles interplanétaires, des boucliers magiques et des scénarios extraordinaires! Au grand ravissement de leurs lecteurs , ou spéctateur pour ceux qui regarde un film. Salutation, Ludovic Melin.

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  7. jsp dit :

    Je viens de lire « Voyage clandestin avec deux femmes bavardes » de Iegor Gran, fils d’Andreï Siniavski
    https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-5876-3
    Il a suivi pendant plusieurs années sur Twitter deux femmes d’une quarantaine d’années Svetlana, assistante dans une école maternelle de Nijni Novgorod, et Elena, receveuse dans le tramway de Perm. C’est passionnant car il montre les processus de pensée qui conduisent l’une à rester une vatnitsa et l’autre à exprimer son rejet de la guerre.

    Aimé par 1 personne

  8. Isaty dit :

    Merci, j’ai adoré découvrir cette architecture synthétique et passionnante de Dune à travers votre article. Tout comme j’ai adoré Dune les films, et les livres, voici de nombreuses années. Chapeau bas, vous soufflez une merveilleuse envie de replonger dans cet univers : complètement approprié en ce moment !

    NB : à propos de la conscription révolutionnaire en France, ces premiers balbutiements de notre armée régulière, je rappelle au passage le travail d’Annie Crépin : une présentation toujours vivante, un immense travail à travers beaucoup de livres et travaux.

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  9. captainluck dit :

    Formidable. Je n’ai pas de mots !
    J’ai lu le cycle de Dune (6 volumes) il y a longtemps et m’étais attelé à une recension en quête de sens, sans aboutir. Le matériau de l’auteur était trop riche pour ma propre culture ; mais je vois que sous l’angle polémologique, le colonel Goya remporte ce défi quasi-surhumain.
    Pour apporter mon grain d’épice, je dirais que la Guilde des navigateurs m’a fait penser à la Venise des croisades qui transportait qui et autant qu’on la payait.
    Merci, cent fois merci. J’archive !

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  10. Etant fan du cycle de Dune de longue date, j ai lu avec intérêt votre analyse. La comparaison avec le moyen age japonais ou européen est pertinente. Toutefois, et sans que cela n entâche en rien votre comparaison, j ai toujours été séduit par une certaine clairvoyance dans Dune.
    Il y a une composante extrêmement universelle et même tres comptemporaine dans ces livres. Herbert réalise l exercice difficile d éclairer par touche et selon différents angles un monde imaginaire régit comme toute assemblée humaine par des regles immuables.
    Prenons la Chom, elle n est pas neutre. C est peut être l organisation qu il a le moins développée. Si je me place dans le moyen âge européen, je la comparerais aux Lombards par exemples. Les compagnies lombardes n étaient neutres que du point de vue des seigneurs qui y faisaient appel. Les compagnies lombardes se souciaient peu voire pas du résultat d un conflit, elles poursuivaient leur but propre. Dans ce cas leur profits. Ce n est pas de la neutralité, j ai du mal a trouver le mot correct, en fait. Mais actuellement les grandes compagnies ont le même comportement, et a moins d être complotiste, ou con tout court, on n y voit pas de plan machiavélique. Elles ne poursuivent pas le même but que les états. Pour la simple raison qu elles ne sont pas attachées aux états, elles sont attachées a leurs intérêts du moment. Les grandes compagnies ne se retirent pas de Russie par patriotisme, une multinationale par définition n est pas patriote. Elles le font pour conserver leurs marchés primordiaux a l ouest. Et la CHOM, c est cela.
    La guilde, n est pas non plus « neutre » , elle poursuit son but propre. Et elle a un talon d Achille, sa dépendance a l épice et a qui la contrôle. Si c est Shaddam, vive Shaddam, si c est paul atreides , vive paul atréides. Elle cherche la stabilité du fournisseur et haiut la prise de risque sur tout ce qui touche a son approvisionnement. La politique des grandes compagnies pétrolieres est elle si éloignée de cette logique?
    Le bene tleilax est une organisation religieuse fanatique, qui se soucie comme d une guigne de qui domine quoi, il vise le triomphe de sa foi dans un temps long, tres long.
    Le bene gesserit est un organisme politique, voir politico religieux, avec lui aussi un projet a long terme. Mais a la différence des vrais fanatiques qui misent sur le triomphe de leur foi, ils misent sur la manipulation a l échelle des siecles.
    A elles 4 ces organisations « neutres » contrôlent le commerce, le transport, la génétique et la politique a long terme. Et les maisons et l empereur passent… Elles ne complôtent pas ensemble, elles veillent a leur intérêt et évitent de s affronter.
    Est on si loin en ce moment de ce scénario? La toute puissance des nations a t elle vaincu la religion ou le profit? Je ne le pense pas.
    Entendons nous bien, ce n est pas présenté comme un monde ou les nations n ont rien a dire, c est présenté de facon tres clairvoyante ou les nations ne sont qu un facteur dans une monde multi factoriel, et ou certains intérêts peuvent parfois défaire les nations.
    Puis arrive « l empereur dieu » , la catastrophe, le tyran absolu, qui prévoit tout, gouverne tout, et pour un temps interminable aux yeux du tleilax, de la guilde, du béné gesserit, met tout sous la coupe de l état.
    « Fenrig refuse, ce qui en fait d’un seul coup un personnage très intrigant. » Fenring, le combattant eunuque, est présenté comme un potentiel Kwizatz haderach. Un prescient partiel, peut être voit il le destin réservé a celui qui l emportera, d ou son recul.

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    1. Beau developpement. Herbert a très bien decrit une vision Eurasienne du monde, celle de la lutte de tout contre tout, ou seul l’equilibre des rapports de force, sans cesse remis en cause, permet une forme de continuité. C’est pour cela que Poutine veut revenir a l’Europe des nations en rivalité permanente pour la terre et les richesses. Et c’est pour cela que l’UE est son pire cauchemard, car elle est l’antidote a cette vision: un ensemble de nations en paix, riches et prospères, qui règlent leur differents par la cooperation et le droit, qui tentent de reguler les excès des forces economiques, et auquel il ne peut pas appartenir, car cela signifierait adopter l’etat de droit, ce qui irait contre l’intérêt des forces occultes qui controlent la richesse du pays et qui l’ont créé, même si la créature semble avoir un peu échappé a ses createurs…

      Il y aurait dans le poutinisme un beau cycle à écrire, sauf que ce ne serait pas de l’anticipation.

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  11. Tonton7327 dit :

    Article qui démontre que le raisonnement militaire n’est pas réservé qu’aux initiés militaires.
    Souligne opportunément comment les règles d’engagement et les stratégies qui en découlent sont conditionnées par la technologie disponible et par le soutiens des populations.

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  12. fredewolf dit :

    Je sors juste de la salle de cinéma, où j’en ai pris plein les yeux et les oreilles, et voilà que je tombe sur votre analyse !

    Cet équilibre plus ou moins stable que vous décrivez, entre les « maisons » puissantes avec un empereur qui compose avec les unes et les autres, n’est pas sans me rappeler la période des « Royaumes Combattants » dans la Chine antique.

    Espionnage, complots, trahisons, alliances mouvantes, avec une dose de mysticisme, tout y est)))
    Avec des empereurs de la déclinante dynastie Zhou tellement devenus symboliques, que l’ère suivante sera considérée comme… le premier empire chinois LOL !

    La comparaison s’arrête là, l’empereur Zhou était trop occupé à se cacher pour avoir une quelconque influence – même involontaire – sur le cours de l’Histoire. Voilà, j’ai fait mon cuistre, au suivant)))

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    1. fredewolf dit :

      Et le bourrin de base, Vladimir Harkonnen, qui dit un truc du genre « Ah la bonne vieille artillerie, y a rien de mieux pour écraser ses ennemis »… Je peine à croire que Denis Villeneuve n’ait pas songé à un autre Vladimir dans l’actualité brûlante de ces dernières années…?

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        1. Armand de Chamar dit :

          Eh oui, l’artillerie est utilisée dans le roman puisque, si elle est devenue inutile avec les boucliers, elle est redevenue efficace dans le contexte de la planète Dune où les boucliers rendent fous furieux les vers.
          Harkonnen mentionne même que cette utilisation ne peut être que ponctuelle, puisqu’elle va forcer le camp d’en face à s’y adapter rapidement…

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          1. Tonton7327 dit :

            Pas forcément savoureux.
            Mais cela illustre bien l’emploi d’une solution bricolé avec ce qui existe pour débloquer une situation qui s’enlise.

            Excellent article, qui, j’insiste, montre qu’un civile peut développer un minimum de compréhension militaire sans ce fader de la littérature spécialisé.

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  13. pefleretour dit :

    De l’art de moucher ses alliés : « « Nous n’avons jamais franchi le stade de la cobelligérance et nous ne le franchirons pas », a ajouté M. Séjourné. « La France parle dans un cadre un peu différent, c’est une puissance dotée [de l’arme nucléaire]; je pense que la France peut parler d’égale à égale à la Russie »
    Voilà voilà.
    Taper du poing nucléaire sur la table des opérations permet de recarder un peu.

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  14. pefleretour dit :

    « Il est très probable que selon un schéma classique dans les dictatures, la réalité de la situation sur le terrain reste masquée au sommet de l’organisation jusqu’à la catastrophe ». Et la fin :
    « Les Maisons sont donc isolées et obligées d’attendre les assauts des légions de Fremen qui peuvent les attaquer en masse et les soumettre, sans que l’on sache trop pourquoi les armes atomiques ne sont pas utilisées. Le jihad se répand dans l’univers connu et impose le pouvoir absolu du Mahdi. Le jeu dangereux de l’Empereur a entraîné la fin d’une ère stratégique cohérente et le début d’une nouvelle époque ».

    Merci pour ce parallèle instructif et littéraire, éclairant. Et au réalisme inquiétant.

    J’ai l’espoir qu’une des spécificités de notre espèce soit de savoir se révolter, et parfois éviter les catastrophes.

    Jolie plume. Vous avez des mots aussi efficaces que des balles!

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  15. balbylon dit :

    Amusante mise en perspective.
    Deux points fondamentaux oubliés qui me semblent importants dans l’interaction des protagonistes :
    Les Harkonnen ont, pour source de leur influence, la pression psychologique qui amène des renversements d’alliance ou des traitrises. Par analogie, on peut comparer cela à des services d’influences surdeveloppés (guerre psychologique?). Comme ça n’a aucun intérêt face aux Fremen, leur confiance en ce point devient un handicap.
    Ensuite, les Fremen sont dopés! Il n’y a pas que l’environnement rude qui entre en compte, même si Herbert insiste effectivement sur ce point. L’épice leur permet d’avoir des capacités de prescience (lecture de l’avenir immédiat) ce qui augmente d’autant leur facultés de combat. D’ailleurs, même les jeunes enfants non-entrainés sont capables de battre des Sardaukars!
    En tout cas, merci pour cette belle démonstration de la crédibilité du roman sur le plan militaire.

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